1.2 - Le trac

"J'ai le trac. un trac fou"
Sara Bernhardt (L'Art du Théâtre)

 

  • Tout serait tellement plus facile si je me sentais plus à l'aise quand j'ai à parler à un groupe de personnes. reprend Nadine.
  • Que ressens-tu ?
  • J'ai la gorge qui se serre, elle se dessèche. Et mon coeur bat très fort
  • Cela m'est arrivé, reprend Pierre, de ne plus trouver mes mots, à croire que mon cerveau s'était vidé. Ou encore de constater que mes bras bougeaient comme des pantins, comme si je ne les commandais plus.
  • Chez d'autres, dit à son tour Jules, cela se traduit, dans les cas limites, par ces rougeurs si gênantes. Certains sont très agités. n'arrêtant pas de piétiner. Si les manifestations du trac sont diverses d'une personne à l'autre, il y a un point commun à tous mais dont on est rarement conscient.
  • La respiration peut-être ?
  • Oui, nous respirons mal mais sans s'en rendre compte car nous ne sommes pas mal à l'aise directement. Ce que nous ressentons physiquement, ce sont les autres symptômes que nous avons décrits et qui sont liés à cette mauvaise respiration.
  • Mais comment faire alors ?
  • D'abord, si je puis dire, se décontracter vis à vis du trac. Nous avons tendance à croire que nous sommes seuls à en être la victime. Ou plutôt que nous ne faisons pas partie des privilégiés qui ont le talent de s'exprimer avec aisance en public.
  • Comme toi, Jules ?
  • Détrompe-toi, Pierre. Par nature, je suis plutôt un "traqueur". Simplement, j'ai appris â vivre avec mon trac.
  • Comment ?
  • D'abord, je te l'ai dit, en prenant confiance. J'ai compris que le trac est naturel. Il serait vain et même dangereux de vouloir l'éliminer artificiellement. Tout le monde peut être touché par le crac .Les grands acteurs les premiers.
  • Oui. certains même pensent qu'il leur est indispensable dit Nadine.
  • En quelque sorte. En fait, le trac est comme un cheval que l'on monte pour la première fois. Ou il vous désarçonne, ou vous utilisez son énergie.
  • C'est une jolie image, mais cela ne nous aide pas beaucoup concrètement.
  • Encore une observation, Pierre, avant d'arriver à proposer des solutions. Le mot trac a la même origine que le mot traquer, qui est un terme de chasse. Le trac est certainement une forme d'atavisme héritée de nos lointains ancêtres qui vivaient dans un monde d'agression constante.
    Et être devant un groupe d'individus que l'on ne connaît pas, c'est être en situation d'agressivité.
  • Nous sommes comme la bête sauvage devant son ennemi.
  • Comme elle, nous recevons des décharges d'adrénaline. Mais à la différence d'elle, nous sommes des animaux qui pensons.
    L'animal ne se dit pas : j'ai le trac. Nous si.
  • Je vois ; et c'est ce qui nous bloque, dit Nadine.
  • Et donc ? s'impatiente Pierre.
  • Cela veut dire qu'il ne faut pas penser mais agir. Nous avons vu que les manifestations du trac sont physiques. Et bien, réagissons par le physique. C'est l'action qui nous délivre.
  • Avec l'énergie du cheval-trac !
  • Faisons différents mouvements avant de rencontrer le groupe, chaque fois que c'est possible. Comme un athlète qui va courir un 100 mètres. Et soyons actifs dès le premier contact : allons au-devant des visiteurs qui, au début, sont eux mêmes un peu intimidés. Et, de manière générale, à chacun de trouver ce qui lui convient. Tenez, donnez-moi chacun une idée.
  • Sourire, dit Nadine, cela décontracte le visage et l'esprit. Je sais que cela a beaucoup d'effets sur mes petits élèves quand ils découvrent leur maîtresse.
  • Et Pierre : avoir un contact visuel tour à tour avec chaque visiteur et observer ce qui se passe. L'esprit est occupé et on ne pense plus au trac. Mais tu ne nous a pas beaucoup parlé de la respiration. Cela m'intéresse.
  • Des disciplines telles que le yoga, le zen ou les différentes techniques de relaxation ont des finalités très différentes. Mais elles insistent toutes sur l'importance de la respiration. Apprendre à respirer, car cela s'apprend, est long. Mais tout le monde peut faire des mouvements simples. par exemple de grandes respirations. Allez-y. Inspirez à fond en remplissant d'air tout votre corps. Posez la main sur votre ventre. Sentez-le s'avancer. Puis expirez complètement. Voilà. Faites-le encore deux ou trois fois.
    C'est ce qu'on appelle une respiration abdominale. Elle est le contraire de la respiration courte que nous avons lorsque nous sommes anxieux.
  • Donc, quand nous nous sentons le trac monter en nous, nous pouvons faire de grandes respirations.
  • Oui, en plaçant notre corps d'une certaine manière. Nous le verrons plus tard.